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 ELISABETH ROSENTHAL

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Rose M. Davenport

Rose M. Davenport
Messages : 27
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♫ Playlist : Dust in the Wind - Kansas



ELISABETH ROSENTHAL _
MessageSujet: ELISABETH ROSENTHAL   ELISABETH ROSENTHAL EmptyVen 27 Avr - 21:35

Derrière son visage lisse, son sourire lumineux et son port altier, la cadette Rosenthal dissimule un esprit des plus agités. Intuitive, créative et intelligente, sa vie intérieure est particulièrement riche. La perspective de passer une journée seule à se promener au bord d’un lac ou à travers le tumulte d’une ville ne la rebute absolument pas. Elisabeth est néanmoins à l’aise en société. Elle apprécie les conversations culturelles, l’exercice du débat et les joutes verbales bien qu’elles lui demandent beaucoup d’énergie. La jeune femme a toujours porté en elle de nombreuses ambivalences. Elle a appris depuis son plus jeune âge à s’adapter à ce que l’on attendait d’elle, à adopter certains comportements opposés à ses inclinaisons primaires si bien qu’il lui arrive fréquemment de se questionner sur son identité. En outre, sa pudeur, son orgueil et son tempérament résilient l’ont poussée à dissimuler, minimiser, éluder ses failles plutôt qu’à les affronter. Les épreuves de la vie l’ont rendue quelque peu névrosée mais, d’un naturel optimiste, elle préfère s’en amuser et s’adonne souvent à l’auto-dérision saupoudrée d’humour noir lorsqu’elle se surprend en pleine décompensation. Peu de choses parviennent à la faire sortir de ses gonds. Néanmoins, lorsqu’il s’agit de défendre ses proches ou les valeurs les plus viscéralement ancrées en elle, la jeune femme peut s’enflammer et devenir tout à fait impitoyable, quitte à faire quelques entorses à la légalité ou la morale. Certains diront que c’est le naturel Rosenthal qui revient au galop.


☩ 001 Elisabeth. Ce prénom a beau dégager un parfum suranné, il évoque avant tout quelques unes des figures féminines les plus mythiques d’Angleterre. En bonne britannique lettrée qu’elle était, la mère de Lizzie avait toujours eu un faible pour la Reine et Elizabeth Bennet, la fameuse héroïne de Jane Austen. Une mystérieuse superstition l’avait amenée à espérer qu’en nommant sa fille ainsi, l'enfant hériterait de l’esprit, de l’aura et du tempérament de ces deux emblèmes de son pays d’origine. Hasard ou non, les mondaines ont souvent murmuré qu'elle avait été exaucée.  

☩ 002 Princesse. Derrière la douceur qui enveloppait la voix de son père lorsqu’il la surnommait ainsi se dissimulait un poids d’une terrible lourdeur, celui de son héritage. La jeune Lizzie n’attendit pas l’âge de raison pour percevoir que son destin serait à jamais enchaîné à celui de l’empire Rosenthal et que, aussi dorées puissent-elles être, des entraves restaient des entraves. Elle comprit que pour en faire abstraction, mieux valait ne pas trop se débattre. Au plus grand plaisir de ses parents, elle endossa avec aisance le rôle qu’on attendait qu’elle joue, celui de petite fille modèle, sage, douée et gracieuse mais néanmoins vive, espiègle et pleine d’esprit. Elle se montra jusqu’à son adolescence parfaitement digne de son statut, jouissant avec légèreté, simplicité et décence des privilèges que lui conférait son rang.

☩ 003 Le problème avec les absents, c’est qu’ils ne le sont jamais tout à fait. A défaut d’être physiquement présente à ses côtés, la figure de son père déformée par ses représentations, ses fantasmes et le prisme de ses failles occupait constamment son esprit, hissée sur un piédestal forgé par la légende familiale et le mythe national qui entourait son nom. La jeune fille était sans cesse en quête de son attention, de son approbation, de son affection. Eternellement insatisfaite, elle a souvent cherché dans sa relation avec son frère aîné à combler ce manque et calmer ses insécurités. Quant à Henry, si elle avait pu l’étouffer d’amour, elle l’aurait sans doute fait.  

☩ 004 L’écriture a toujours représenté pour Lizzie un délicieux exutoire, sa chambre d’adolescente était constamment parsemée de carnets noircis. A l’âge de seize ans, elle se lança dans la rédaction de nouvelles satiriques librement inspirées du quotidien extravagant, scandaleux et impitoyable de la haute société berlinoise. Après une âpre dispute avec ses parents à propos de certaines de ses fréquentations jugées trop plébéiennes, elle se rendit au siège d’un hebdomadaire national qui organisait un concours littéraire pour jeunes auteurs et déposa sous un pseudonyme sa meilleure production. Quelques semaines plus tard, on lui commandait une série de douze nouvelles destinées à être publiées tout au long de l'été. Ses textes firent quelque peu jaser dans son entourage, certains se reconnurent sans doute derrière ses personnages mais personne ne sut toutefois que Lizzie se cachait derrière cette plume caustique.

☩ 005 L’assassinat de son père qui s’est déroulé sous ses yeux encore naïfs l’a profondément transformée, il a fait naître en elle une énergie sombre, brûlante et explosive alimentée par la colère. En apercevant le corps de cet homme qu’elle glorifiait tant recroquevillé au milieu d’une mare de sang et avant de se laisser envahir par l’effroi, Elisabeth avait eu une pensée tout à fait absurde qui la perturbe encore aujourd’hui. Elle l’avait trouvé petit, vulnérable, humilié. Plus qu’à son intégrité, on avait porté atteinte à son honneur, à sa dignité. C’est probablement à cet instant qu’avait été sublimée sa révolte. Ce n’est pas la passion des textes de loi qui l’a menée sur les bancs de la fac de droit mais la rage, la rage contre un système qu’elle comptait bien infiltrer tel un cheval de Troie, la rage contre l’injustice suprême, celle qu’on fait subir à une gamine à qui on vole le héros. Son ambition s’en est nourrie, elle est devenue une machine. Rares étaient les examens qu’elle ne majorait pas et aucun concours d’éloquence ne lui résistait. Lorsqu’elle refermait la porte de son appartement, pourtant, elle ne pouvait empêcher les ténèbres de l’envahir. Le suicide de sa mère et la distance qui s’était installée entre elle et son petit frère à qui elle tenait tant et dont elle se sentait responsable ont manqué de la mettre à terre. Sans le soutien de Benett et leur soif de vengeance commune qui lui donnait la force de se lever le matin, Liz aurait probablement sombré. On dit que la rancune est destructrice, parfois elle a le mérite de nous accorder un sursis.

  ☩ 006 Le problème avec les absents, c’est qu’ils ne le sont jamais tout à fait. Les fantômes de ses parents ont hanté le début de sa vie d’adulte. Ils ne se sont pas contentés de lui voler ses nuits, ils lui ont également dérobé ce qu’il lui restait d’insouciance. Son esprit n’était pas assez léger pour se laisser aller aux amourettes, aux soirées festives, aux aventures folles et aux coups de tête stupides qu’on regrette en se réveillant avec la gueule de bois mais qu’on chérit pendant ses vieux jours. Si elle cédait parfois à l’ivresse de l’alcool ou du sexe, c’était pour oublier, pour s’anesthésier un instant et être en mesure de garder le cap le lendemain. Elisabeth traînait secrètement derrière elle le poids d’une culpabilité probablement infondée mais qui l’obsédait. Elle s’en voulait d’avoir dévoilé dans ses nouvelles derrière les traits d’un personnage pas aussi opaque qu’elle l’aurait pensé à l'époque certains détails personnels et anecdotes concernant son père. Elle s'en voulait également de ne pas avoir réussi à protéger son petit frère qui prenait depuis plusieurs années une pente glissante. Gustave Rosenthal continuait à la juger, perché sur son trône en arrière plan de son esprit mais le cadavre de son épouse était étendu à ses pieds et ses yeux pleuraient des larmes de sang.

  ☩ 007 Au matin de ses trente ans, Elisa se réveilla à la douce lueur de l’aube bavaroise dans une grande maison en périphérie de Munich. Un sourire vint se dessiner sur ses lèvres lorsqu’elle posa le regard sur la bague de fiançailles qu’elle portait à l’index. Elle roula dans les draps de soie beige et enlaça Julian, l’homme endormi à ses côtés qui l’avait demandée en mariage la veille. Elle était tombée sous le charme de ce magistrat au parquet dès le premier réquisitoire, dix-huit mois auparavant. La semaine suivante, elle fêtait l’anniversaire de ses débuts en tant que juge au tribunal régional de Munich. Le bonheur aveuglant dans lequel elle baignait alors lui avait presque fait oublier les démons de son passé. Seule sa relation avec Henry mettait un peu d’amertume dans son quotidien. Elle avait accepté de lui laisser de l’espace et se contentait d'utiliser ses relations pour le surveiller à distance et lui éviter autant que possible les démêlés avec la justice. Elle avait néanmoins globalement trouvé un semblant d'équilibre. Si seulement, plongée dans le calme avant la tempête, elle avait pu sentir l'odeur de l'orage.

 ☩ 008 C’était un dimanche après-midi. Lizzie était recroquevillée dans un coin de la salle de bains, assise à même le carrelage froid. Elle était en train de faire sa troisième fausse couche. Julian tenait ses mains tremblantes depuis une heure déjà. Elisabeth plongea enfin son regard dans le sien. « C’est fini. On arrête. C’est fini. » Le couple tentait d’avoir un bébé depuis plus de trois ans. Ils avaient eu recours aux services de nombreux spécialistes mais toutes leurs tentatives avaient échouées. Julian voulait absolument des enfants et il avait persuadé Lizzie que c’était également son cas. Quelques secondes s’égrenèrent et dans le plus profond des silences, l’homme fit glisser ses doigts loin de ceux de son épouse. Quelque chose s’était brisé. Malgré d’interminables débats et de nombreuses disputes, Elisabeth ne revint pas sur sa position. Julian lui montra un nouveau visage, un visage sombre, distant, cruel, parfois violent. C’est ainsi qu’elle se retrouva prise au piège de l’amour profond qu’elle continuait à lui porter.  

☩ 009 C’était un dimanche après-midi. Lizzie venait de débarquer sur le quai de la gare de Hambourg, les cheveux en pagaille et les yeux embués dissimulés derrière ses lunettes de soleil Chanel. Après s’être emmêlé les pinceaux entre ses trois lourdes valises et son sac à main, elle finit par dégainer son téléphone et appela son grand frère, le priant un sanglot suspendu dans la voix de venir la chercher. La veille, Julian l’avait giflée pour la troisième fois. Sa décision de partir avait été prise au petit matin, alors que l’aube marquait la fin d’une interminable nuit sans sommeil. Lorsque son époux avait comme à l’accoutumée posé ses lèvres sur les siennes, Elisabeth avait senti une intense nausée lui soulever l’estomac et elle avait su. Elle avait attendu que Julian parte au travail, fait ses valises à la hâte puis appelé un taxi. Alors qu’elle regardait à travers la vitre du train la ville de Munich disparaître à l’horizon, Lizzie avait senti son coeur se délester d’un poids. Elle s’était sauvé la vie.

 ☩ 010Il ne fallut que quelques jours à Elisabeth pour réaliser ce qu’elle avait laissé derrière elle. Son travail, sa vie sociale, son couple et ce combat pour avoir un enfant qui avait pendant si longtemps donné du sens à sa vie. Confinée dans la villa de son frère, elle contemplait le vide de son existence sous l’oeil agacé de sa belle-soeur. Ses travers enfouis ne tardèrent pas à refaire surface. Après une dispute d’anthologie avec Louise sur la manière de nettoyer les plaques de cuisson, Lizzie déménagea à l’hôtel et replongea tête baissée dans la vendetta familiale, enchaînant les nuits blanches à éplucher des piles de documents et consacrant ses journées à faire marcher son réseau. Cette routine malsaine dura six bonnes semaines et eut au moins le mérite de faire progresser les affaires familiales.

 ☩ 011 Les privilégiés s’en sortent toujours. A peine Elisabeth avait-elle décidé de se reprendre en main qu’elle parvint à trouver un emploi et un logement sur Hambourg. Sa vie reprit un semblant d’allure et de stabilité. Elle se remit à sourire, à dormir, à faire de nouvelles rencontres, à s’extasier sur la beauté du monde. A écrire, même. Seule sa procédure de divorce lui empoisonnait l’existence au quotidien, rien de moins surprenant lorsque deux dynasties du droit en viennent à s’affronter.

 ☩ 012 Alors qu’en un agréable matin de printemps Lizzie fixait son reflet dans le miroir, elle aperçut un cheveu blanc qui cerclait son visage. Elle étouffa un rire discret puis l’arracha d’un geste sec. Alors que le cap de la quarantaine faisait son apparition à l’horizon, la juge commençait à être torturée par de nombreuses questions existentielles. Le moment était venu pour elle de décider si elle souhaitait définitivement faire le deuil d’une éventuelle maternité. Il fallait également qu’elle se positionne concernant son rôle dans cette vendetta qui commençait à devenir la mission d’une vie. Parmi ses préoccupations familiales, il y avait également Henry qui venait de débarquer en ville et qu’elle avait envie de secouer comme un pommier pour lui remettre les idées en place. En outre et de manière plus globale, elle ne pouvait s’empêcher de penser en regardant en arrière que, constamment tiraillée entre les exigences sociales, ses névroses et ses objectifs, elle avait oublié de vivre, de vivre pour elle et personne d’autre. Elle songea un instant à Lisa, la maîtresse de son frère aîné dont elle avait fait la rencontre quelques semaines plus tôt. Elle était terriblement inspirée par sa fraîcheur, son élan vital et l’énergie revigorante qu’elle faisait naître dans les yeux de son frère. Elisabeth esquissa un sourire. Peut-être qu’elle avait enfin l’âge d’être jeune.
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